Un jour, peut-être, la guerre me recrachera de sa gueule puante
Ce
jour-là, la pluie tombait dru sur les brins vert tendre de la campagne. Debout
devant la fenêtre, je la regardais tomber sans relâche, s’abattant toujours
avec une ténacité désolante. Mon cœur, lui aussi, se gonflait des larmes qui
affluaient à mes yeux mais dont je retenais le cours de toute mon âme. Derrière
moi, j’entendais le lent souffle de l’homme qui se tenait là, sans savoir que
faire.
–
Marie…
Mais,
loin de me tourner vers lui, je me serrai plus étroitement contre la fenêtre en
me tordant les mains, la poitrine secouée par un sanglot. Je ne voulais pas le
voir. Ce serait revenu à accepter une réalité qui me faisait horreur. Non, je
ne pouvais affronter cela en face. Je ne pouvais croiser encore ce regard
résigné qui cachait trop bien une souffrance que je n’étais pas capable de
dissimuler. Dehors, les croassements d’un corbeau mécontent me firent frémir.
N’était-ce pas un présage funeste ? L’atmosphère n’en devint que plus
lugubre et mon cœur n’en enfla que davantage, faisant battre si fort le sang à
mes tempes qu’aucun autre son ne me parvenait plus.
–
Je n’ai que trop tardé… Adieu, Marie.
Devant
la maison, les voix fortes d’une jeune troupe vinrent jusqu’à moi, portées par
le vent. Le parquet grinça sous les pas de l’homme qui s’éloignait. Je devais
être forte. Je ne devais pas pleurer. Je ne devais pas crier. Pourtant, une
larme traîtresse m’échappa, roulant le long de ma joue blême, et mon visage se
tordit en un masque de douleur. N’y tenant plus, je m’élançai sur ses pas. Il
ne m’était plus possible de réfréner le bouillonnement qui déferlait en mon
sein. Lorsque je sortis de la maison, il
avait déjà rejoint ses compagnons à l’arrière de la voiture. Je croisai son
regard d’un bleu limpide et ne pus m’empêcher d’admirer le courage dont il
faisait preuve.
« Je
reviendrai », souffla-t-il, mais je ne pus que lire sur ses lèvres les
mots que j’aurais tant voulu croire.
Le
silence dans lequel je me murais n’était plus supportable. Alors que la voiture
démarrait, je me jetai à sa suite sur le chemin boueux et hurlai :
–
Pierre !
Ce
cri déchira la paix de la campagne et se perdit dans les rafales célestes. La
voiture s’éloignait toujours, jusqu’à disparaître à l’horizon, là où tout se
fond dans l’inconnu. Je tombai à genoux, à bout de forces. J’ignorai combien de
temps je restai là, effondrée dans la boue, à attendre que la pluie enfonçât
dans ma poitrine un mal irrémédiable, le seul qui pût arracher l’insupportable
douleur qui me vrillait le cœur.
Il est magnifique. Tout est juste, correct, sans fausse note. Les descriptions sont magnifiques. Bref, un vrai coup de cœur.
RépondreSupprimerMerci pour ton gentil commentaire, et contente de voir que ça te plaît, ça me touche vraiment !
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